Et qu'est-ce
qu'il y avait de spécifique qui vous attirait dans cette forme
d'expression-là, qui vous a fait choisir la chanson par rapport
aux sketches, au théâtre ?
Le fait que j'aimais énormément de gens qui faisaient
passer dans la chanson des choses qui ne passaient pas ailleurs, le
fait qu'il y avait Brassens, qu'il y avait eu - et qu’il y avait
encore - Trenet, Mireille et Jean Nohain… dans des registres différents,
mais c'est toujours de la chanson, et ça me paraissait être
quelque chose de complet. La chanson, c'est comme l'aquarelle, on n'a
pas le droit à l'erreur. Il faut en trois minutes avoir fait
quelque chose…
Et c'est
ce challenge qui vous a intéressée ?
C'est une façon de faire, comme je préfère cent
fois, mille fois, la nouvelle au roman ! Plusieurs années après
avoir chanté les chansons de Pierre Perret, je me suis aperçue
que j'étais mal à l'aise dans les textes des autres, et
que j'avais besoin d'écrire et d'exprimer ça moi-même
parce que personne ne pouvait le faire à ma place.
Cette première
expérience où vous avez chanté des chansons de
Pierre Perret, sous le nom de Françoise Marin, qu'est ce que
ça vous a apporté déjà ?
J'ai pris conscience de ce qu'était ce métier
de la chanson, des difficultés que ça représentait,
du machisme avancé qui régnait dans ce métier et
qui a continué à régner d'ailleurs !
Après
cette période vous avez été secrétaire de
Barbara. Comment êtes-vous entrée dans cette activité,
et pourquoi avec Barbara ?
J'ai été amenée à présenter
des spectacles au théâtre des Capucines, quand les chanteurs
de chansons françaises se sont trouvés à la rue
sous l'impulsion de la vague, dite yéyé. Il n'y avait
plus d'endroits. Gilbert Sommier avait d'abord monté les
mardis de la Huchette, et après les
mardis des Capucines : il prenait des théâtres
le jour de relâche et il montait des spectacles de chansons, et
de diseurs aussi… J'ai eu l'occasion de présenter Darras
et Noiret, Avron et Evrard, par exemple, et puis Serge Gainsbourg, Barbara,
Anne Sylvestre, des gens qui n'avaient pas droit de cité dans
les music-halls…
Et vous
avez donc eu des contacts avec Barbara…
Elle a vu que je m'engageais sur la voie, que j'appelle du "secrétariat
d'artiste". J'ai travaillé avec Romain Bouteille, avec Anne
Sylvestre, avec Los Incas, avec Valérie Lagrange, avec Pierre
Richard et Victor Lanoux qui avaient un numéro à deux…
Et quand je l'ai rencontrée au théâtre des Capucines
et que je l'ai présentée, Barbara m'a téléphoné,
et elle m'a dit "Je sais que tu ne m'aimes pas" --
ça s'invente pas ! -- "mais je voudrais travailler avec
toi, tu as une semaine pour réfléchir…".
Ca s'est fait comme ça !
Et c'est
aussi à ce moment-là que vous avez commencé à
écrire vos premières chansons… Il y avait "Les
mignons", "Toi l'homme" ?
Oui, mais déjà au Théâtre des Capucines,
je disais des textes que j'écrivais, avec un accompagnement à
la guitare de Ramon Herrera ; et Jacques Grello m'a dit "Mais
mon petit, vous savez que vous écrivez des chansons ?"
je lui ai dit "Non, parce que si c'étaient des chansons,
je crois que je m'en rendrais compte !" et il m'a dit "Vous
ne le savez pas, mais un jour la musique va venir au bout, vous écrivez
des chansons, je suis formel !" Il avait raison ! Et la première
chanson que j'ai écrite avec Barbara Sans bagages,
c'était un texte comme ceux que je disais aux Capucines, et elle
aussi m'a dit "tu écris des chansons", j'ai
dit "non, je n'écris pas de chansons", elle
m'a dit "fais voir" et elle a pris ce texte, elle
l'a mis sur son piano, et voilà… et elle a fait Sans
bagages…